La mesure selon la loi Carrez reste une tâche extrêmement délicate lorsqu'il s'agit de vendre une part de copropriété, comme le démontre un exemple récent provenant de la Cour d'appel de Paris. Entre la superficie indiquée dans l'acte de vente et la superficie réellement évaluée par l'expert, il existe précisément une variation de 1,90 m². Cette différence, bien qu'elle soit modeste, a des répercussions significatives, surtout dans le cas d'un studio d'environ 30 m². Cette situation peut entraîner des remises en question du vendeur et, par extension, du diagnostiqueur.
La précision du mesurage Carrez, exprimée en décimètres carrés, peut sembler insignifiante, mais elle est cruciale en raison de la faible marge d'erreur, particulièrement pour les petites surfaces.
Prenons l'exemple de ce studio parisien vendu en 2016, où l'acte de vente mentionnait une superficie de 30,24 m². Les nouveaux propriétaires ont effectué une nouvelle mesure l'année suivante, qui a révélé une superficie désormais de 28,09 m². Même si une réduction de seulement deux mètres carrés peut sembler négligeable, elle est suffisante pour engager des poursuites judiciaires contre les vendeurs.
L'expert désigné par la Cour d'appel a quantifié la superficie à 28,30 m². Cette différence s'explique principalement par la mesure de la pièce de séjour-cuisine, dont la surface est passée de 16,41 m² à 14,55 m². En fin de compte, l'écart retenu est maintenant de 1,90 m² par rapport à la superficie indiquée dans l'acte de vente. Cela dépasse légèrement la marge d'erreur autorisée, mais reste conforme à la loi Carrez qui prévoit qu'un acheteur peut demander une réduction proportionnelle du prix si la différence dépasse un vingtième de la superficie mentionnée dans l'acte de vente.
Dans le contexte des prix au m² dans la capitale, même quelques décimètres carrés ont une grande valeur. La Cour d'appel considère légitime la demande de réduction du prix de vente et accorde aux acquéreurs la somme de 14 469,91 euros. Cependant, leurs demandes d'indemnisation pour les frais accessoires sont rejetées. La Cour estime que l'action engagée vise à récupérer une partie du prix et non à obtenir une indemnisation. Par conséquent, il n'est pas approprié d'appliquer une réduction proportionnelle aux éléments accessoires du prix de vente, tels que les frais notariés et les droits d'enregistrement, car aucune disposition légale ne le prévoit.
Les demandes de compensation pour les pertes de jouissance et les préjudices moraux sont également rejetées. La Cour reconnaît que l'erreur est "mineure" et que l'acquéreur n'a pas le droit de demander au vendeur une indemnisation autre que celle basée sur la réduction du prix.
Du côté des vendeurs, ces derniers se retournent contre le cabinet de diagnostics responsables de la mesure. Ils soutiennent que même si la restitution à laquelle le vendeur est tenu ne constitue pas un préjudice en soi, le vendeur peut tout de même faire valoir une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une superficie moindre en raison d'une mesure erronée.
La Cour estime cette perte de chance à 100 %. Selon elle, compte tenu de la situation de l'immeuble, le prix auquel l'appartement a été négocié semble attractif. Ainsi, même si l'acquéreur avait été informé de la différence de superficie, il aurait quand même accepté un prix équivalent.
En conséquence, le mesureur est à son tour condamné à verser exactement la somme de 14 469,91 euros au vendeur, correspondant aux dommages-intérêts. Le prix de vente est restitué au centime près, conformément à la décision de la Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - Chambre 1, en date du 7 avril 2023, numéro 19/16953.